Karl Marx (1818-1883)

Conflits de classe et changement social 

Etudes de philosophie, journaliste, publie un grand nombre d’ouvrages de sciences économiques, de philosophie et de sociologie, organise l’action politique en contribuant à la création de l’organisation internationale des travailleurs
« Le manifeste du parti communiste » (avec F. Engels) 1848
« Le capital » (plusieurs tomes à partir de 1867)

1 Le contexte historique

11 Les conséquences de la Révolution industrielle

Le prolétariat de fabrique, CAD les travailleurs de l’industrie, constituent la classe ouvrière qui apparaît à partir de la RI en Angleterre. Ce phénomène est progressif car factory system et domestic system (travailleurs ruraux à domicile) vont coexister pendant longtemps.

12 Les conditions de travail du prolétariat

La formation de la main-d’œuvre s’apparente au dressage car la main d’oeuvre industrielle est d’origine rurale, sans expérience, sans formation, sans discipline. Les ouvriers sont soumis à un régime autoritaire et tyrannique. Les travailleurs de fabrique sont surexploités et soumis à des conditions de vie insalubres.

2 Le système marxien

21 L’explication du changement social

Les quatre idées fondamentales de la théorie marxiste sont la permanence des conflits de classe, la bipolarisation des conflits, le rôle moteur du conflit, la nature endogène du changement social : il naît du fonctionnement même de la société dans laquelle il se produit.
Les forces productives correspondent aux facteurs de production CAD les moyens de production (le capital) et la force de travail.
Le niveau de développement des forces productives dépend des facteurs démographiques qui déterminent la force de travail, du progrès technique qui influence les moyens de production.
Les rapports de production sont les rapports établis entre les hommes pour produire, dépendant du niveau de développement des forces productives. Exemple : le capitalisme est fondé sur le salariat, qui correspond aux forces productives industrielles caractérisées par le machinisme et la force de travail ouvrière.
On peut parler de déterminisme technique et économique chez Marx, car les rapports de production dépendent essentiellement de la technique. Ainsi le progrès technique va-t-il influencer les relations nouées entre les hommes. Exemple : le salariat dérive du machinisme naissant, CAD de la mise en œuvre des machines à vapeur.
On peut aussi parler de matérialisme, car pour Marx, la conscience des individus dépend de leur position dans les rapports de production. La façon d’agir et de penser dépend de nos conditions matérielles d’existence. Exemple : la servitude engendre la servilité
Progrès technique > Moyens de production > Niveau de développement des forces productives > Rapports de production > Conscience sociale
Un mode de production est la combinaison d’un certain niveau de développement des forces productives et d’un certain type de rapports de production. Exemples : le mode de production féodal est caractérisé par la combinaison de forces productives agricoles faiblement développées et du servage. Le mode de production capitaliste est caractérisé par la combinaison du machinisme et du salariat.
L’explication du changement social chez Marx est la suivante : les forces productives, qui évoluent sous l’effet du progrès technique, vont entrer en contradiction avec les rapports de production, ce qui va entraîner un changement du mode de production : il y aura changement social.
Par exemple, l’industrie manufacturière entre en contradiction avec les rapports de production féodaux car le servage, les corporations, entravent le libre jeu du marché. Or l’industrie moderne ne peut se développer que dans le cadre d’une société de marché.
On passe ainsi du mode de production féodal au mode de production capitaliste

22 L’analyse du capitalisme

La plus-value est la différence entre la valeur des marchandises crées par le travail et la valeur des marchandises nécessaire à la reproduction de la force de travail CAD les salaires (de subsistance) perçus par les travailleurs.
Le taux de plus-value est le rapport entre plus value et salaire. Il dépend essentiellement de la durée du travail, le salaire étant maintenu au niveau de subsistance.
La plus-value est l’enjeu d’un conflit d’intérêt : dans le mode de production capitaliste, la plus value extorquée par la bourgeoisie aux ouvriers est d’autant plus élevée que les salaires sont faibles.
Le moyen d’action des travailleurs face aux capitalistes est le syndicat, coalition des travailleurs face aux capitalistes. Le premier objectif des syndicats est de faire cesser la concurrence que les ouvriers se livrent sur le marché, de façon à faire obstacle à la chute des salaires. Le second est d’abattre le capitalisme et d’instaurer le socialisme, propriété collective des moyens de productions dans une société sans classes.
La lutte des classes, antagonisme entre classes sociales opposées par des intérêts contradictoires, oppose la bourgeoisie et le prolétariat.
L’appartenance de classe dépend de la position occupée dans les rapports de production. Avant que ne commence la lutte, la masse des travailleurs forme une classe en soi car elle occupe une même position dans les rapports de production: situation commune, intérêts communs. Grâce à l’union des travailleurs dans la lutte, la masse des prolétaires se transforme en classe pour soi : ses membres prennent conscience de leur unité de classe et de leur opposition à la classe antagoniste. Apparaît la conscience de classe.
Les forces productives industrielles se développent de plus en plus sous l’effet de l’accumulation du capital et de l’intensification du travail tandis que les rapports de production sont marqués par l’aggravation de l’exploitation : la plus value augmente tandis que les salaires baissent sous l’effet de la concurrence que les ouvriers se livrent sur le marché.
Les forces productives industrielles donc vont entrer en contradiction avec les rapports de production En effet, la paupérisation des travailleurs ne permet pas d’écouler une production de richesses de plus en plus grande. Des masses de plus en plus grandes de travailleurs basculent dans le prolétariat, la lutte des classes devient bipolaire. Ainsi la classe ouvrière se renforce-t-elle. L’union des travailleurs contre les capitalistes pourrait aboutir à une révolution faite par l’immense majorité du peuple.

3 Prolongements actuels

31 La fin des conflits de classe ?

La révolte des canuts : 1831, la Révolution de 1848, la Commune de Paris, le Front populaire (congés payés) : 1936, sont les grands évènements qui ont forgé la « conscience de classe ».
De multiples facteurs expliquent le recul du conflit de classe.
L’affaiblissement de la conscience collective du prolétariat : déclin de l’idéologie marxiste, évolutions de la structure sociale (moyennisation/embourgeoisement, tertiarisation, féminisation, hausse du niveau de qualification), montée de l’individualisme et de la rationalité sur fond de crise économique et de chômage de masse.
La désyndicalisation et l’institutionnalisation des syndicats : le syndicalisme révolutionnaire, conformément à la vision marxienne, a été un moyen de lutter contre le capitalisme. Cependant, il devient peu à peu un instrument de régulation sociale permettant de pacifier les rapports sociaux dans le cadre du capitalisme.
Selon A. Touraine, le conflit pour le partage de la valeur ajoutée, conflit central des sociétés industrielles, n’est plus fondamental dans les sociétés post industrielles car les travailleurs ne sont plus exploités mais plutôt manipulés et privés de pouvoir décisionnel. Exemple : diffusion de modèles de consommation.
Les valeurs matérialistes, liées aux conflits du travail, sont remplacées par des valeurs post matérialistes, liées à des revendications d’égalité d’essence démocratique. Le nouveau conflit central serait alors celui qui oppose dominants et dominés, citoyens et technocrates.
Le concept de conflit de classe garde un sens mais il oppose désormais manipulateurs et manipulés.

32 La fin des classes ?

Selon H. Mendras, il n’y a plus de classes sociales au sens marxiste du terme, CAD déterminées par la position occupée dans les rapports de production. Il n’y a plus de classes sociales au sens commun du terme, CAD de grands groupes sociaux mobilisables autour d’intérêts communs. Cet auteur introduit la notion de « classes centrales » : si la classe moyenne se définissait par rapport à sa position dans la hiérarchie sociale, fondée sur des critères économiques, la classe centrale (constellation centrale) se définit par rapport à de multiples critères, par exemple le niveau de diplôme ou le pouvoir décisionnel. On peut alors parler de brouillage de la hiérarchie sociale car il n’y a plus d’échelle unique de hiérarchie sociale.
Pour L. Chauvel, en revanche, les classes sociales sont de retour, car on assiste à un maintien voire une aggravation des inégalités, à la reconstitution des barrières sociales. Exemples : exclusion, précarisation de l’emploi.
Cependant, les classes sociales n’ont plus conscience d’elles même : la classe défavorisée forme une classe en soi mais pas pour soi. Cette dernière manifeste en effet une faible capacité de mobilisation. Exemple : pas de manifestation de chômeurs.