Joseph Schumpeter (1883-1950)

Progrès technique et évolution économique:

Economiste autrichien hétérodoxe (ni libéral ni keynésien)
« Théorie de l’évolution économique» 1911
« Le cycle des affaires» 1939
« Capitalisme, Socialisme et Démocratie » 1942
« Histoire de l’analyse économique » inachevé, 1954

1 L’innovation et l’entrepreneur

11 Diversité des innovations

Il existe différents types d’innovations :
Un nouveau produit : post-it.
Un nouveau procédé : code barre
Un nouveau marché : Internet
Une nouvelle source de MP : nucléaire
Une nouvelle organisation : fordisme
Pour Schumpeter, l’innovation ne se limite pas aux nouveaux produits et aux nouveaux procédés. Elle peut donc exister sans progrès technique.
L’innovation est diffusée par les entreprises. Elle se situe donc du coté de l’offre.
Chaque nouvelle innovation crée une nouvelle combinaison productive mais détruit l’ancienne. Cette destruction est cependant progressive. L’innovation est donc à l’origine du processus de destruction créatrice, essence même du capitalisme.
Schumpeter appelle évolution économique les changements apportés au système économique par l’innovation. L’évolution économique englobe à la fois la croissance économique et le développement, défini comme un changement qualitatif spontané et discontinu. Exemple : lors de la première RI, filages et tissages mécanisés remplacent les petits artisans travaillant à domicile.

12 Le rôle de l’entrepreneur

L’entrepreneur introduit le changement en exécutant de nouvelle combinaison productive. Exemple : H. Ford. Il ne se conforme pas aux routines comme la plupart des agents économiques, il doit agir dans l’incertain contrairement à la plupart des agents économiques.
L’inventeur découvre de nouvelles combinaisons productives, l’entrepreneur les met en œuvre en innovant. En effet, l’innovation est l’utilisation économique d’une invention.
L’entrepreneur est un aventurier, un joueur, un révolutionnaire. C’est lui qui impulse l’évolution économique. Le profit est la récompense de l’entrepreneur, mais ce dernier est avant tout animé par la volonté d’innover et de l’emporter sur ses concurrents.

2 Progrès technique et cycle économique

21 Les cycles longs

Le cycle de Kondratiev dure 50 ans. Il se divise en deux phases: croissance forte, dépression ou croissance médiocre voire décroissance. Le sommet du cycle constitue la crise. Le point bas du cycle constitue la reprise. Nous serions au début d’une période de forte croissance constituant la première phase d’un cinquième Kondratiev, une nouvelle crise se produirait vers 2025.

22 L’analyse de Schumpeter

On peut remarquer que les innovations apparaissent de façon groupée. En effet, les produits et les procédés nouveaux sont interdépendants techniquement car une même invention peut engendrer plusieurs innovations : on parle de grappes d’innovations.
Une innovation majeure est à l’origine d’un paradigme technologique ou révolution industrielle, une innovation mineure ou incrémentale est induite par les innovations majeures.
Les grappes d’innovation apparaissent vers le milieu de la phase de dépression, CAD peu avant la reprise. On en induit que ce sont les innovations qui provoquent la reprise.
Ainsi, Schumpeter va tenter de relier grappes d’innovations et cycles : L’innovation entraîne un phénomène d’imitation, car son succès provoque l’apparition d’autres entrepreneurs qui, anticipant des profits élevés, empruntent et investissent à leur tour dans les branches innovatrices. Ainsi une innovation en amène-t-elle de nouvelles. Ces grappes entraînent un boom des investissements et des profits dont résulte une phase de croissance soutenue : c’est l’essor, première phase du cycle économique. Pendant l’essor, le revenu réel s’accroît définitivement. Puis apparaît le phénomène de saturation lié à la diffusion de l’innovation qui déclenche la seconde phase du cycle : les investissements ralentissent, l’activité se contracte, les faillites d’entreprises se multiplient, le chômage apparaît, l’économie entre en dépression, jusqu’à ce qu’apparaisse une nouvelle innovation.
Les innovations étant différentes (majeures, mineures), elles ont des périodes d’introduction variées. Schumpeter distingue ainsi les cycles longs appelés cycles Kondratiev, les cycles Juglar (6 à 10 ans), les cycles Kitchin (40 mois environ). Chaque cycle de Kondratiev correspondrait à une révolution technologique, ensemble de changements techniques liés à une ou plusieurs innovations majeures.
Exemple : la première RI correspond au premier cycle de Kondratiev, impulsé par l’invention de la machine à vapeur (Watt), les filages et tissages mécanisés…

3 Capitalisme et innovation

31 Les conditions socio-économiques de l’innovation

Les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie grâce au crédit. Le crédit permet à l’entrepreneur d’exécuter de nouvelles combinaisons productives et par conséquent est facteur de croissance.
Les règles du jeu du système capitaliste sont la liberté d’entreprendre, la propriété privée des moyens de production et des innovations (brevets), les inégalités de revenu normales car reflets des aptitudes productives. Elles stimulent des comportements favorables chez les entrepreneurs. En cela, le capitalisme diffère des autres méthodes de sélection sociale, car ces dernières ne garantissent pas que les individus sélectionnés soient capables.

32 Structures de marché et innovations

L'équilibre de concurrence pure et parfaite est optimal au sens de Pareto. En d’autres termes, il permet la plus grande satisfaction possible des agents économiques et la meilleure utilisation possible des ressources.
Une des conditions de la concurrence pure et parfaite est l’atomicité : le marché est constitué par une multitude d' offreurs et de demandeurs de petite taille. Ainsi, les agents devront tous s’aligner sur le prix du marché. En conséquence, les entreprises en CPP réalisent un profit qui tend à devenir nul.
En revanche, le monopole produit moins, vend plus cher, réalise un surprofit ou rente de monopole.
Selon Schumpeter, la structure de marché monopolistique est plus efficace que le CPP : sur le plan technique, il permet d’économiser le capital et d’obtenir ainsi des économies d’échelle. Il favorise le développement des innovations grâce à ses moyens financiers. Il permet de récompenser l’entrepreneur grâce aux profits élevés qu’il engendre.
Le monopole est temporaire car d’autres entrepreneurs peuvent tenter d’entrer sur le marché et le menacent. Schumpeter est donc favorable à la concurrence mais il considère le monopole comme un moteur du progrès et de la croissance.

33 Taille des entreprises et innovations

L’exécution de nouvelles combinaisons productives se bureaucratise : de plus en plus elles sont dévolues à des équipes de spécialistes qui n’ont pas le génie créateur de l’entrepreneur schumpetérien.
L’augmentation de la taille des entreprises fait disparaître l’esprit d’innovation. La R et D devient une routine, ce qui réduit l’initiative individuelle.
On peut remarquer que les avantages du monopole s’estompent sur le long terme. Schumpeter pensait que le capitalisme disparaîtrait, victime de son succès et laisserait la place au socialisme

4 Prolongements actuels

41 Taille des entreprises et innovations

La concurrence au sens néoclassique s’opère par les prix. Ainsi, elle contraint les entreprises à diminuer leurs coûts de production, ce qui constitue une pression a l’innovation. Les petites entreprises sont plus flexibles et s’adaptent plus facilement aux innovations. Exemple: Silicon Valley, concentration de micros entreprises particulièrement dynamiques et innovantes. Cela contredit l’analyse de Schumpeter.
En revanche les grandes entreprises ont des moyens économiques plus importants pour développer des programmes de R et D. Exemple : Microsoft fondée en 1974 par Bill Gates détient 90 % du marché. On peut considérer que Microsoft est une firme relativement innovante, ses propres produits étant concurrents de ceux lances précédemment.

42 Le rôle de l’entrepreneur

Il existe trois types de managers : les visionnaires, les leaders, les technocrates. Le visionnaire, l’entrepreneur capitaliste schumpetérien, est en voie de disparition avec l’avènement des grandes sociétés anonymes, dont la structure financière est fondée sur l’actionnariat et non sur la propriété entrepreneuriale. Le goût du risque, de l’aventure, de l’innovation, s’efface au profit du calcul économique, de la prévision et de la planification.

43 Persistance des cycles économiques liés aux changements technologiques

Pour les adversaires de l’analyse schumpetérienne, il y a développement d’une nouvelle grappe d’innovation dès les années 70. On ne peut donc attribuer la crise de 73 à un essoufflement de l’innovation, ce qui remet en cause le lien entre innovation et cycle. D’autre part pourquoi les innovations majeures se produiraient-elles tous les cinquante ans ? L’analyse de Schumpeter reste sans doute pertinente, mais la régularité des cycles longs est remise en cause.
Pour Schumpeter c’est l’innovation qui déclenche le cycle, alors que pour G. Mensch, c’est le cycle économique qui va exercer une pression à l’innovation. C’est la faiblesse des profits des entrepreneurs qui les pousse à prendre des risques afin d’améliorer leur rentabilité en lançant de nouveaux produits, et non leur l’esprit aventureux.